Kbal Spean, Beng Mealea
Ce matin, je vais au vieux marché, lieu de vie, de
labeur, de rencontres. J'ai plein de photos à remettre
à leurs modèles, à des vendeuses de poulets, de
bijouterie, de légumes, de fruits, et ici à cette
frêle et menue très jeune fille que j'avais
photographiée, tranchant d'un grand couteau la tête de
gros poissons. Très étonnée que je lui donne sa
photo, elle lève ici un visage angélique et des yeux
magnifiques. Frédéric cherche longtemps sur le
marché des mouchoirs en papier pour son rhume. Il en trouve
finalement un pack de vingt sachets . . . et depuis il ne se mouche
plus ! Nous nous arrêtons à la poste où poster du
courrier pour la France coûte ici plus cher que de Phnom Penh
et je photographie le postier en train d'oblitérer mes 37
cartes postales avec un marteau ! Nous partons pour Kbal Spean et,
après une bonne route, nous empruntons une piste cahotique en
zigzaguant au pas entre les ornières ( voir délicieuses
anecdotes 10 ). Nous laissons la voiture à l'ombre et
entamons une belle balade au cur de la forêt. Le sentier
monte régulièrement, serpentant dans la mi-ombre. Au
bout de quelques km on entend bientôt le bruissement de l'eau.
C'est la première fois que je vois ce site très
original ainsi, en mars le ruisseau était à sec. Ce
site ne fut découvert qu'en 1968 et cette découverte de
Kbal Spean ou la rivière aux 1000 lingas par Jean Boulbet,
ethnologue à l'Ecole Française d'Extrême-Orient,
est un véritable roman. La petite rivière,
coupée de cascades, coule sur un lit de grès couvert de
sculptures innombrables. Le linga de Shiva est reproduit à
l'infini dans le lit de la rivière et des Vishnou, dormant sur
le naga, ornent les chutes d'eau, ainsi que des grenouilles, des
taureaux, un gros lézard, des dieux inconnus, des inscriptions
en sanscrit, le tout sculpté par des moines qui vivaient
là il y a des siècles. Il est vrai que voir ces lingas
affleurant sous l'eau est cent fois plus beau que lorsque la
rivière est à sec. D'autant que c'est tout le symbole
des lingas qui sanctifient en quelque sorte l'eau qui va baigner
ensuite les temples d'Angkor. Vu l'éloignement de Siem Reap,
il y a très peu de promeneurs et on communie vraiment avec la
nature. Mais il vaut mieux ne pas s'éloigner trop loin du
sentier, le lieu ayant été un repaire des khmers rouges
qui ont été délogés très
tardivement. Les abords du sentier sont déminés mais
toute la région est loin de l'être. Après
être redescendus, nous allons déjeuner au Borey Sovann
Kbal Spean, un restaurant en plein air où la cuisine est
délicieuse ( voir délicieuses
anecdotes 11 ). Puis nous reprenons la route pour Beng Malea. De
fines têtes de nagas nous accueillent, signes d'une longue et
belle allée au fond de laquelle on ne distingue aucun
monument. Au bout de quelques centaines de mètres,
apparaissent des amas de pierres. Nous allons effectuer un parcours
escarpé, escaladant les blocs effondrés, pour
pénétrer au cur du temple. La première
fois que j'étais venu ici, j'en avais été
très surpris. Cette fois, l'émotion est intacte et, en
raison du peu de monde ici, on a un peu l'impression d'être un
découvreur privilégié. Ce temple d'une taille
similaire à celle d'Angkor Wat a été
légèrement dégagé récemment mais
fut très longtemps envahi par une végétation
luxuriante. En sont témoins tous les murs renversés ou
éclatés. Par endroits, de belle galleries, dont
certaines encore intactes, on ne sait comment vu la
végétation environnante, possèdent de belles
fenêtres à balustres. Par contre, beaucoup de statues
ont disparu. A force d'escalader, nous arrivons au sommet du temple,
à une vingtaine de mètres de hauteur. On franchit
quelques mètres sur le sommet d'un mur large d'une quarantaine
de cm avec le vide des deux côtés. La
végétation est plus dense qu'à Ta Prohm mais le
temple est majestueux. On a toutefois de la peine à se rendre
compte de la taille de l'ensemble. Cette visite totalement
différente complète agréablement celles des
temples plus connus d'Angkor. Nous rentrons tranquillement vers Siem
Reap et l'amortisseur tiendra le coup. Ce soir, nous allons au
dîner-spectacle de Apsara Theatre à Angkor Village. Les
gestes lents d'une grâce infinie, la beauté des
attitudes des mains et des pieds, la musique, tout concourt à
nous mettre sous le charme.
.
Retrouvailles au marché . . . . . . . . . . . . . . . .
Oblitération au marteau !
.
Kbal Spean ou la rivière aux mille lingas
pont de fortune
.
Beng Malea
Spectacle à Apsara Théatre